TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE MONTREUIL
N°2210095
Mme X
- Y
Mme Lamlih Rapporteure
- David Terme Rapporteur public
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le tribunal administratif de Montreuil (8ème chambre)
Audience du 7 février 2024
Décision du 28 février 2024
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 21 juin 2022 et le 29 mars 2023, Mme X et M. Y, agissant en leur qualité de représentants légaux de leur enfant mineur Christopher, représentés par Me Trennec, demande au tribunal :
1°) d’annuler la décision par laquelle le recteur de l’académie de Créteil a implicitement rejeté leur demande en date du 30 mai 2022, réceptionnée le 1er juin suivant, de mettre en œuvre la décision de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) de la Seine-Saint-Denis du 8 mars 2022, portant attribution notamment d’une aide humaine individuelle au bénéfice de leur enfant Christopher, du 1er mars 2022 au 31 août 2024 ;
2°) d’enjoindre au recteur de l’académie de Créteil de placer auprès de Christopher, dans les conditions fixées par la CDAPH un accompagnant dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 400 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- elle a été prise en méconnaissance de la décision de la CDAPH du 8 mars 2022 ;
- elle méconnait le 13ème alinéa du préambule de la constitution du 27 octobre 1946 et l’article 2 du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les articles 111-1 et L. 111-2 du code de l’éducation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2022, le recteur de l’académie de Créteil conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par Mme X et M. Y ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier. Vu :
- le code de l’éducation ;
- le code de justice
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
- le rapport de Mme Lamlih
- les conclusions de Terme, rapporteur public,
- et les observations de Mme X.
Considérant ce qui suit :
- L’enfant Christopher XY est un élève en situation de handicap scolarisé en classe de cinquième au collège Fénelon de Vaujours (93). Par une décision du 8 mars 2022, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) de la Seine-Saint-Denis lui a accordé le bénéfice d’une aide humaine individuelle aux élèves handicapés de dix-huit heures par semaine pendant sa scolarité, du 1er mars 2022 au 31 août 2024. Christopher n’ayant effectivement bénéficié que de douze heures par semaine d’accompagnement mutualisé avec d’autres élèves, ses parents, Mme X et M. Y, ont, par courrier du 30 mai 2022 réceptionné le 1er juin suivant, sollicité auprès du recteur de l’académie de Créteil l’exécution de la décision de la CDAPH du 8 mars 2022. Par la présente requête, Mme X et M.Y demandent l’annulation de la décision par laquelle le recteur de l’académie de Créteil a implicitement rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d’annulation :
- Aux termes du premier alinéa de l’article L. 111-1 du code de l’éducation : « (…) Le service public de l’éducation (…) veille à la scolarisation inclusive de tous les enfants, sans aucune (…) ». Aux termes de l’article L. 111-2 du même code : « Tout enfant a droit à une formation scolaire qui, complétant l’action de sa famille, concourt à son éducation. / (…) Pour favoriser l’égalité des chances, des dispositions appropriées rendent
possible l’accès de chacun, en fonction de ses aptitudes et de ses besoins particuliers, aux différents types ou niveaux de la formation scolaire. / (…) ». Aux termes de l’article L. 112-1 de ce code : « Pour satisfaire aux obligations qui lui incombent en application des articles
- 111-1 et L. 111-2, le service public de l’éducation assure une formation scolaire (…) aux enfants (…) présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant. Dans ses domaines de compétence, l’Etat met en place des moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants (…) en situation de handicap. / (…) ». Aux termes de l’article L. 351-1 du code de l’éducation : « Les enfants (…) présentant un handicap ou un trouble de santé invalidant sont scolarisés dans les (…) les établissements visés aux articles L. 213-2, (…) du présent code (…) si nécessaire au sein de dispositifs adaptés, lorsque ce mode de scolarisation répond aux besoins des élèves. (…) La décision est prise par la commission mentionnée à l’article L. 146-9 du code de l’action sociale et des familles, en accord avec les parents ou le représentant légal. (…) Dans tous les cas et lorsque leurs besoins le justifient, les élèves bénéficient des aides et accompagnements complémentaires nécessaires. / (…) ». L’article L. 351-2 de ce code dispose que : « La commission mentionnée à l’article L. 146-9 du code de l’action sociale et des familles désigne les établissements ou les services ou à titre exceptionnel l’établissement ou le service correspondant aux besoins de l’enfant ou de l’adolescent en mesure de l’accueillir. / La décision de la commission s’impose aux établissements scolaires ordinaires et aux établissements ou services mentionnés au 2° et au 12° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles dans la limite de la spécialité au titre de laquelle ils ont été autorisés ou agréés (…) ». Aux termes de l’article L. 351-3 du même code : « Lorsque la commission mentionnée à l’article L. 146-9 du code de l’action sociale et des familles constate que la scolarisation d’un enfant dans une classe de l’enseignement public (…) requiert une aide individuelle dont elle détermine la quotité horaire, cette aide peut notamment être apportée par un accompagnant des élèves en situation de handicap recruté conformément aux modalités définies à l’article L. 917-1. / (…)».
- Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que, d’une part, le droit à l’éducation étant garanti à chacun quelles que soient les différences de situation, et, d’autre part, que le caractère obligatoire de l’instruction s’appliquant à tous, les difficultés particulières que rencontrent les enfants en situation de handicap ne sauraient avoir pour effet ni de les priver de ce droit, ni de faire obstacle au respect de cette obligation. Il incombe à cet égard à l’Etat, au titre de sa mission d’organisation générale du service public de l’éducation, de prendre l’ensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que ce droit et cette obligation aient, pour les enfants en situation de handicap, un caractère effectif.
- Pour justifier son refus, le recteur de l’académie de Créteil fait valoir en défense que le jeune Christopher, qui a bénéficié, au cours de l’année scolaire 2021-2022, d’un accompagné mutualisé pour les élèves en situation de handicap à hauteur de 10,5 heures pour la semaine A et 12 heures pour la semaine B, est accueilli tous les jours au sein du collège, qu’il suit l’ensemble des cours dispensés à ses camarades de classe et que si le nombre d’heures d’accompagnement n’est actuellement pas celui préconisé par la CDAPH de la Seine-Saint-Denis, il pourra être augmenté si l’état de santé de l’intéressé le nécessite. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que Christopher ait bénéficié ni qu’il bénéficie à la date du présent jugement d’une aide humaine individuelle dans les conditions fixées par la décision de la CDAPH du 8 mars Par suite, en ne mettant pas en place pour l’enfant des requérants une aide humaine individuelle aux élèves handicapés de dix-huit heures par semaine pendant sa scolarité à compter du 1er mars 2022 telle que prescrite par la décision de la CDAPH, le recteur de l’académie de Créteil a méconnu les dispositions
précitées du code de l’éducation.
- Il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, les requérants sont fondés à demander l’annulation de la décision par laquelle le recteur de l’académie de Créteil a implicitement rejeté leur demande du 30 mai 2022 tendant à l’exécution de la décision de la CDAPH du 8 mars 2022.
Sur les conclusions à fin d’injonction et d’astreinte :
- Eu égard au motif d’annulation retenu au point 4, il y a lieu d’enjoindre au recteur de l’académie de Créteil de mettre en place, effectivement, dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent jugement, une aide humaine individuelle aux élèves handicapés de dix-huit heures hebdomadaires au bénéfice de l’enfant Christopher XY Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte.
Sur les frais liés à l’instance :
- Dans les circonstances de l’espèce et en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros à verser aux requérants.
D E C I D E :
Article 1er : La décision par laquelle le recteur de l’académie de Créteil a implicitement refusé d’affecter à l’enfant Christopher XY une aide humaine individuelle de dix-huit heures hebdomadaires est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au recteur de l’académie de Créteil de mettre en place, dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent jugement, une aide humaine individuelle aux élèves handicapés de dix-huit heures hebdomadaires au bénéfice de l’enfant Christopher XY.
Article 3 : L’Etat versera à Mme X et M. Y la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme X et M.Y et au recteur de l’académie de Créteil.
Délibéré après l’audience du 7 février 2024, à laquelle siégeaient :
- Gauchard, président,
- Guiral, conseiller, Mme Lamlih, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 février 2024.
La rapporteure,
Le président,
- Lamlih
La greffière,
- Jarrin
- Gauchard
La République mande et ordonne au ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.