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Reconstitution de carrière et annulation d’un tableau d’avancement

Reconstitution de carrière et annulation d’un tableau d’avancement

L’annulation d’un tableau d’avancement n’implique pas que toutes les nominations dans le grade soient définitivement annulées. Il appartient à l’administration de reconstituer la carrière des agents pour lesquels la juridiction administrative n’a porté aucune appréciation sur leurs mérites.
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS

 

 

 

No 2001223/6-2

 

Mme MC

 

Mme Hombourger Rapporteure

 

  1. Guérin-Lebacq Rapporteur public

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

Le tribunal administratif de Paris (6ème section – 2ème chambre)

 

 

 

Audience du 25 janvier 2022

Décision du 8 février 2022

36-06-03

C

 

 

Vu la procédure suivante :

 

Par une requête enregistrée le 21 janvier 2020, Mme MC, représentée par     Me Trennec, demande au tribunal :

 

1°) d’annuler l’arrêté du 27 décembre 2019 par lequel le ministre de l’intérieur a procédé à la reconstitution de sa situation administrative ;

 

2°) d’enjoindre au ministre de l’intérieur de refaire rétroactivement le tableau d’avancement au grade de brigadier de police pour l’année 2015 et de renommer rétroactivement Mme C à ce grade à compter du 1er juillet 2015 en lui donnant ensuite un déroulement de carrière correspondant à ses mérites, dans le délai d’un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ;

 

3°) de mettre à  la  charge  de  l’Etat  une  somme  de  3  000  euros  au  titre  de  l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

Mme C soutient que :

  • la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente ;
  • elle est entachée d’un défaut d’exécution du jugement du 11 mai 2017, le ministre de l’intérieur ne pouvant tirer les conséquences de ce jugement en la reclassant dans son ancien grade de gardien de la paix sans avoir au préalable publié un tableau  d’avancement  pour l’année 2015, en remplacement du tableau annulé ;
  • elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

 

Par un mémoire en défense enregistré le 15 juin 2021, accompagné de pièces complémentaires enregistrées le 18 janvier 2022, le ministre de l’intérieur conclut au rejet de la requête.

 

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme Celton ne sont pas fondés.

 

 

Vu :

  • le jugement n° 1511371 du 11 mai 2017 du tribunal administratif de Paris,
  • les autres pièces du

 

 

Vu :

  • la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique,
  • le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale,
  • le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 portant statut particulier du corps d’encadrement et d’application de la police nationale,
  • le code de justice

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique :

  • le rapport de Mme Hombourger,
  • et les conclusions de M. Guérin-Lebacq, rapporteur

 

 

Considérant ce qui suit :

 

  1. A la suite de son inscription sur le tableau d’avancement au grade de brigadier de police établi pour l’année 2015, Mme M C, qui exerçait alors les fonctions de gardien de la paix, a bénéficié le 1er juillet 2015 d’une promotion au grade de brigadier de police. Toutefois, par un jugement en date du 11 mai 2017, le tribunal administratif de Paris a annulé le tableau d’avancement au grade de brigadier de police établi pour 2015, ainsi que, par voie de conséquence, la décision de nomination de  Mme  C  à  ce    Par  une  décision  du  27 décembre 2019, le ministre de l’intérieur a procédé à la reconstitution de carrière de l’intéressée à compter du 1er juillet 2015, en la reclassant au grade de gardien de la paix. Par la présente requête, Mme C demande l’annulation de cette décision.

 

 

Sur l’étendue du litige :

 

  1. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté en date du 11 février 2020, publié postérieurement à la date d’introduction du litige, le ministre de l’intérieur a publié le tableau d’avancement au grade de brigadier de police pour l’année 2015. Il n’y a donc plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint au ministre de l’intérieur d’établir ce tableau.

 

 

Sur les conclusions à fin d’annulation :

 

  1. Aux termes de l’article 58 de la loi du 11 janvier 1984 : « L’avancement de grade a lieu de façon continue d’un grade au grade immédiatement supérieur. (…) / Sauf pour les emplois laissés à la décision du Gouvernement, l’avancement de grade a lieu, selon les proportions définies par les statuts particuliers, suivant l’une ou plusieurs des modalités ci-après : / 1° Soit au choix, par voie d’inscription à un tableau annuel d’avancement, établi par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l’expérience professionnelle des agents. (…) ». Aux termes de l’article 17 du décret du 9 mai 1995 : « Pour l’établissement du tableau d’avancement de grade, il est procédé à un examen approfondi de la valeur professionnelle des agents susceptibles d’être promus compte tenu des notes obtenues par les intéressés, des propositions motivées formulées par les chefs de service et de l’appréciation portée sur leur manière de servir. Cette appréciation prend en compte les difficultés des emplois occupés et les responsabilités particulières qui s’y attachent ainsi que, le cas échéant, les actions de formation continue suivies ou dispensées par le fonctionnaire et l’ancienneté. ». Enfin, aux termes de l’article 12 du décret du 23 décembre 2004 : « -Peuvent être promus au grade de brigadier de police par inscription sur un tableau annuel d’avancement établi par le ministre de l’intérieur : / 1° Les gardiens de la paix qui comptent, au 1er janvier de l’année pour laquelle le tableau d’avancement est établi, au moins vingt-cinq ans de services effectifs depuis leur titularisation dans le corps ; / 2° Dans la limite du neuvième de l’ensemble des promotions du grade à réaliser dans l’année et au vu de leur valeur professionnelle, les gardiens de la paix qui, au 1er janvier de l’année pour laquelle le tableau d’avancement est établi, comptent dix ans de services effectifs depuis leur titularisation dans le corps. (…) ».

 

  1. Il résulte de ces dispositions que le ministre de l’intérieur est tenu d’établir chaque année un tableau d’avancement au grade de brigadier de police. L’inscription à ce tableau d’avancement permet aux gardiens de la paix y figurant de bénéficier d’un avancement au grade de brigadier de police après dix ans de services effectifs au lieu de vingt-cinq années pour ceux n’y figurant

 

  1. A la suite de l’annulation contentieuse de la décision de nomination de Mme C au grade de brigadier de police, il incombait au ministre de l’intérieur, sous le contrôle du juge, de reconstituer sa carrière dans les conditions où elle pouvait être réputée avoir dû normalement se poursuivre si aucune irrégularité n’avait été commise. L’intéressée devait se voir assurer les chances d’avancement sur lesquelles, dans ses rapports avec les autres fonctionnaires, elle pouvait légitimement compter d’après la réglementation en

 

  1. Mme C soutient que la décision attaquée a été prise à la suite d’une mauvaise exécution du jugement du 11 mai 2017, en l’absence de publication préalable à son reclassement du tableau d’avancement au grade de brigadier  de  police  pour  l’année    Alors  que  Mme C figurait sur le précédent tableau d’avancement annulé par voie contentieuse et que le jugement du 11 mai 2017 ne porte aucune appréciation sur ses mérites, l’établissement d’un tableau d’avancement au grade de brigadier de police pour l’année 2015 était un élément nécessaire à l’appréciation des chances d’avancement auxquelles l’intéressée pouvait légitimement prétendre, compte tenu de ses mérites comparés avec les autres membres de son grade et de la réglementation en vigueur. Si le ministre de l’intérieur fait valoir que le tableau d’avancement a finalement été publié par un arrêté du 11 février 2020, cette publication, postérieure à la date de la décision attaquée, est sans incidence sur la légalité de cette décision. En outre, en se bornant à produire la « fiche dialogue » de Mme C la positionnant au grade de brigadier de police depuis le 1er juillet 2015 et à indiquer le 18 janvier 2022 que « l’arrêté

 

individuel de nomination au grade de brigadier de police, qui confirmera la régularisation administrative de Mme C, est en cours de signature par le service gestionnaire », le ministre n’établit pas que la situation de la requérante ait été effectivement régularisée à la date du jugement. Dès lors, le moyen tiré du défaut d’exécution du jugement du 11 mai 2017 doit être accueilli.

 

  1. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme C est fondée à demander l’annulation de la décision du 27 décembre 2019, par laquelle le ministre de l’intérieur a procédé à la reconstitution de sa carrière.

 

 

Sur les conclusions à fin d’injonction :

 

  1. Eu égard au motif d’annulation retenu, le présent jugement implique seulement, par application des dispositions de l’article L. 911-2 du code de justice administrative, que le ministre de l’intérieur réexamine la situation de Mme C dans un délai qu’il convient de fixer à trois

 

 

Sur les frais liés au litige :

 

  1. Aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation ».

 

  1. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme C et non compris dans les dépens.

 

 

 

D E C I D E :

 

 

Article 1er : Il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d’injonction du ministre de l’intérieur sur l’élaboration rétroactive du tableau d’avancement au grade de brigadier de police pour l’année 2015.

 

 

Article 2 : L’arrêté du ministre de l’intérieur en date du 27 décembre 2019 est annulé.

 

 

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l’intérieur de procéder au réexamen de la demande de Mme C dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement.

 

Article 4 : L’État versera à Mme C une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

 

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

 

 

Article 6 : Le présent jugement sera notifié à Mme M C et au ministre de l’intérieur.

 

 

Délibéré après l’audience du 25 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

 

Mme Demurger, présidente,

Mme Roussier, première conseillère, Mme Hombourger, conseillère.

 

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2022.

 

 

 

La rapporteure,

 

 

 

  1. Hombourger

La présidente,

 

 

 

  1. Demurger

 

 

 

Le greffier,

 

 

 

  1. Lemieux