Dans un jugement du 27 novembre 2017, le tribunal administratif de Versailles a annulé la mutation d’un fonctionnaire dont le ministre de l’intérieur n’avait pas été en mesure de justifier l’affectation . Ce fonctionnaire avait moins de points que le policier requérant et aucun autre critère n’avait été mis en avant par le ministre de l’intérieur pour fonder sa décision.
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE VERSAILLES
N° 1504911
Mme Anne-Catherine Le Gars Rapporteur
Mme Anne Winkopp-Toch Rapporteur public
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le tribunal administratif de Versailles (9ème chambre)
Audience du 13 novembre 2017
Lecture du 27 novembre 2017
36-05-01-02
C
Vu la procédure suivante :
Par une requête et deux mémoires enregistrés les 23 juillet 2015, 28 juillet 2015 et 5 mai 2017, M. S, représenté par Me Trennec, demande au tribunal :
1°) d’annuler la décision par laquelle le ministre de l’intérieur a implicitement rejeté sa demande de mutation au titre de l’année 2015 ;
2°) d’annuler les décisions de mutation de M. M et de Mme V à Nîmes au 1er septembre 2015 ;
3°) d’enjoindre au ministre de l’intérieur de prononcer sa mutation à Nîmes, Béziers ou Arles dans un délai de 15 jours à compter de la notification du présent jugement sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros en application de l’article
- 761-1 du code de justice
Il soutient que :
Sur la décision de refus de mutation :
- la commission administrative paritaire était irrégulièrement composée ;
- les documents relatifs à sa demande de mutation n’ont pas été communiqués à la commission huit jours au moins avant la séance ;
- les trois quarts des membres n’étaient pas présents ;
- la commission administrative paritaire était irrégulièrement composée au regard de l’article 34 de la loi du 28 mai 1982 et de l’article 60 de la loi du 11 janvier 1984 ;
- la décision est entachée d’erreur manifeste d’appréciation ;
- le principe d’égalité a été méconnu ;
Sur les décisions de mutation de M. M et Mme V :
- elles ne sont pas signées et ne comportent pas le nom de leur auteur ;
- elles ont été prises par une autorité incompétente et non identifiables ;
- la commission administrative paritaire n’a émis aucun avis sur ces mutations ;
- le tableau des candidats était classé dans l’ordre alphabétique et non par ordre de mérite en méconnaissance de l’article 60 de la loi du 11 janvier 1984 ;
- la commission administrative paritaire était irrégulièrement composée ;
- les dossiers des deux agents n’ont pas fait l’objet d’un examen individuel ;
- les décisions sont entachées d’erreur manifeste d’appréciation.
Vu les autres pièces du dossier. Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
– le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;
- le code de justice
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique :
- le rapport de Mme Le Gars, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Winkopp-Toch, rapporteur
- Considérant que M. S, gardien de la paix de la police nationale demande l’annulation de la décision par laquelle le ministre de l’intérieur a implicitement rejeté sa demande de mutation au titre de l’année 2015 pour Nîmes, Béziers ou Arles, ainsi que l’annulation des décisions de mutation de M. M et de Mme V à Nîmes au 1er septembre 2015 ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision de mutation de Mme V :
- Considérant que Mme V ne figure pas sur la liste de l’arrêté du ministre de l’intérieur du 1er juillet 2015 des fonctionnaires mutés au 1er septembre 2015 à Nîmes ; que les conclusions tendant à l’annulation de la mutation de Mme V à Nîmes au 1er septembre 2015 sont irrecevables et doivent, par suite, être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l’annulation du refus de mutation de M. S et la décision de mutation de M. M :
- Considérant, qu’aux termes de l’article 60 de la loi du 11 janvier 1984 ci-dessus visée dans sa rédaction alors applicable : « Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, les affectations prononcées doivent tenir compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille. Priorité est donnée aux fonctionnaires séparés de leur conjoint pour des raisons professionnelles, aux fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelle du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité lorsqu’ils produisent la preuve qu’ils se soumettent à l’obligation d’imposition commune prévue par le code général des impôts, aux fonctionnaires handicapés relevant de l’une des catégories mentionnées aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l’article 5212-13 du code du travail et aux fonctionnaires qui exercent leurs fonctions, pendant une durée et selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat, dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles. Priorité est également donnée aux fonctionnaires placés en situation de réorientation professionnelle pour les emplois correspondant à leur projet personnalisé d’évolution professionnelle. » ;
- Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. S totalisait 1033 points à l’appui de sa candidature pour Nîmes, Béziers ou Arles, alors que M. M, qui a obtenu sa mutation à Nîmes bénéficiait de 585 points ; que si ce barème ne revêt qu’un caractère purement indicatif et que l’administration doit procéder à la comparaison des candidatures dont elle est saisie en fonction, d’une part, de l’intérêt du service, d’autre part, si celle-ci est invoquée, de la situation de famille des intéressés, appréciée compte tenu des priorités fixées par les dispositions ci-dessus citées de l’article 60 de la loi du 11 janvier 1984, le ministre de l’intérieur qui n’a pas produit d’écritures en défense, n’invoque aucun motif justifiant la priorité accordée à M pour obtenir la mutation demandée à Nîmes au 1er septembre 2015 ; que dans ces conditions, M. S est fondé à soutenir que la décision refusant de le muter à Nîmes et la décision de mutation de M. M sont entachées d’erreur manifeste d’appréciation et, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens, à en demander l’annulation ;
Sur les conclusions à fin d’injonction :
- Considérant que l’annulation des décisions attaquées n’implique pas nécessairement, que le ministre de l’intérieur prononce la mutation du requérant à Nîmes, Béziers ou Arles ; que les conclusions présentées à fin d’injonction doivent par conséquent être rejetées ;
Sur l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative :
- Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement à M. S d’une somme de 1 500 euros sur ce fondement ;
D E C I D E :
Article 1er : Les décisions du ministre de l’intérieur refusant de muter M. S à Nîmes, Béziers ou Arles au 1er septembre 2015 et prononçant la mutation de M. M à Nîmes au 1er septembre 2015 sont annulées.
Article 2 : L’Etat versera à M. S une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. S, au ministre de l’intérieur, à Mme V et à M. M.
Délibéré après l’audience du 13 novembre 2017, à laquelle siégeaient : Mme Descours-Gatin, président,
Mme Le Gars, premier conseiller,
- Fraisseix, premier conseiller,
Lu en audience publique le 27 novembre 2017.
Le rapporteur, signé
A.C. Le Gars
Le président, signé
Ch. Descours-Gatin
Le greffier, signé
- Bartyzel
La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.